Le psy et le politique

07/03/2016 08:02

Aujourd’hui paraît mon dernier ouvrage, L'autorité - Psychologie et psychopathologie, chez Armand Colin.

 

Il est le premier d’un triptyque, puisque suivront Psychopathologie de la paranoïa (septembre 2016) et Psychopathologie du harcèlement (2017).

Je considère ces trois ouvrages comme la somme et l’approfondissement de tous mes travaux sur la psychologie du pouvoir.

 

Je n’écrirai sans doute plus sur ces sujets ensuite, hormis peut-être quelques articles, estimant qu’à mon niveau, j’ai apporté au lectorat en langue française ce qu’il devait savoir, s’il prend la peine de le savoir, sur les pathologies du pouvoir et la psychologie du pouvoir juste.

Je m’attellerai désormais à transcrire ma pensée pour le lectorat en langue espagnole, et à la diffuser progressivement en Amérique du Sud.

 

Ce travail a été l’oeuvre d’une première partie de vie. Je crois en sa valeur, son caractère essentiel et urgent par les temps qui courent.

 

Je vais sur mes 38 ans, et je suis consciente d'avoir une seconde partie de vie à accomplir assez différente de la première, bien qu’elle soit dans son prolongement.

 

Depuis ma petite enfance, j’ai toujours su avec acuité que j’écrirai, et que j’écrirai sur ces sujets, pour éclairer au maximum les consciences. 

J’ignorai alors la perspective des années noires qui attendent aujourd’hui la France, mais j’ai également toujours eu la certitude que j’aurai à m’exiler pour pouvoir écrire ce que j’ai à écrire, et qu’il faudrait pour moi savoir repérer à quel moment je devrai le faire. C’est chose faite.

 

J'écrirai ultérieurement sur les origines profondes de nos "destins", car il m'est personnellement évident que cette somme de travail accomplie, cette conscience infantile, cette "inspiration" qui a toujours présidé à mes travaux d'écriture et de conférence, ne sont pas nées que de moi, ni même que de cette vie. Ce mouvement de l'âme, dont ont parlé les plus grands sages de ce monde - dont Pythagore et Hippocrate -, il convient sans doute aujourd'hui, plus que jamais, d'en reparler pour redonner tout à la fois de l'espoir, du sens et du souffle à nos vies.

 

Cognitio causarum... (la connaissance des choses)

 

J’ai consacré toutes mes années de jeunesse à travailler à la libération des consciences, la mienne tout d’abord, puis celle de mes patients.

Il y va d'un idéal professionnel où je n'exclus pas la psychologie du champ politique, au contraire.

Dans un monde politique où le pouvoir exercé serait un pouvoir d’autorité, fondé sur le juste et le légitime, seraient diagnostiqués fous ceux qui le sont réellement, et seraient mis à l’écart du pouvoir les pervers et les paranoïaques.

 

Dans un monde politique totalitaire et tyrannique, où le pouvoir est arbitraire, abusif et tortionnaire, seront diagnostiqués fous les opposants à un tel régime. Et seront au pouvoir les paranoïaques, avec l’aide logistique, industrielle, financière des pervers.

 

Comprendre cela aujourd’hui n’est plus simplement une nécessité intime, parce que, dans sa propre vie, l’on est confronté à un chef pervers au travail, ou à un conjoint paranoïaque. C’est une nécessité vitale, pour l’avenir de la France d’abord, puis pour l’avenir de nous tous.

 

Et pour cela, il faut penser les interactions entre le psy et le politique, d’une part pour le psy lui-même, qui doit faire ce travail, d’autre part, pour les patients, qui doivent apprendre à repérer à quel psy ils s’adressent.

 

A quoi sert le psy et au service de quoi s’inscrit-il ?

Ceci est une première question d’essence politique.

Sert-il des dogmes, une idéologie, des laboratoires pharmaceutiques, son propre intérêt, sa carrière ? Ou sert-il avant tout l’autonomie psychique de ses patients ? (laquelle, par là-même, leur confèrera un bien-être, car la majorité des souffrances que nous rencontrons sont des souffrances d’impuissance et d’inconscience. Il faut donc travailler la conscience, et la puissance sur la création de sa propre vie).

A quelles normes obéit ou souscrit-il ?

Ceci est une deuxième question d’essence politique. Le psy qui aide à la torture à Guantanamo par différents tests, ou qui fait hospitaliser des résistants au pouvoir totalitaire n’est pas exactement le même que celui qui s’inscrit en résistance contre les logiques délétères d’un capitalisme outrancier dans le monde du travail ou contre les réseaux pédocriminels.

 

Chaque psy pourra être mené, un jour, au choix déterminant de servir ses patients ou bien le pouvoir en place.

"Je puis répondre avec raison à qui me ferait cette objection : vous êtes dans l’erreur, si vous croyez qu’un homme, qui vaut quelque chose, doit, calculer les chances de la mort ou de la vie, au lieu de chercher seulement, dans toutes ses démarches, si ce qu’il fait est juste ou injuste, et si c’est l’action d’un homme de bien ou d’un méchant (…).

Et en effet, Athéniens, c’est ainsi qu’il en doit être. Tout homme qui occupe un poste, parce qu’il le jugeait le plus honorable, ou qui y a été placé par son chef, doit, à mon avis, y demeurer ferme, et ne considérer ni la mort, ni le péril, ni rien autre chose que l’honneur." (Socrate)

Platon, Apologie de Socrate (traduction Victor Cousin, 1822).

Mais, avant cela, le psy est souvent manipulé, à son insu, par toute une série d’apprentissages, de conditionnements, de modèles, de schémas, qui lui échapperont s’il manque de culture historique, philosophique, médicale. Je parle de culture, c’est-à-dire de ce qui a constitué la psychologie depuis des siècles, laquelle n’est pas récente, cela fait bien longtemps que l’humain cherche à soigner les souffrances de l’âme. 

Quelle prétention de croire que nous détenons aujourd’hui un savoir plus vaste, alors que nous en sommes réduits à définir la psychologie par de simples comportements et, pour la plupart, à croire avoir inventé la poudre !

 

Le psy sera-t-il obéissant ou saura-t-il se rebeller contre sa hiérarchie en institution lorsqu’elle lui demande de trahir le secret professionnel, en livrant les noms des personnes venues consulter suite à un traumatisme, comme cela s’est vu juste après les attentats du 13 novembre 2015 ? Saura-t-il préserver l'intime de ses patients face à un pouvoir intrusif et arbitraire qui se permet de balayer d'un revers de la main le secret professionnel au nom de "l'Etat d'urgence" (il est assez clair maintenant que les professions médicales et thérapeutiques ne sont absolument pas protégées contre les dérives actuelles du pouvoir concernant l'intrusion des citoyens) ? Ou saura-t-il poser un refus lorsque l’institution lui demande d’étouffer un rapport de signalement parce qu’il s’agit d’un notable ?

 

Le psy saura-t-il prévenir aussi ses patients des effets délétères de prescriptions souvent très inadaptées en matière médicamenteuse, qui ont parfois des conséquences contreproductives, en matière de traumatisme ?

 

Cela fait longtemps que je le pense, comme j’ai pu l’évoquer dans d’autres articles antérieurs : le psy doit travailler son indépendance la plus absolue au système, dans la mesure de son possible. Ainsi pourra-t-il aider ses patients de la meilleure manière qui soit. De la manière la plus honnête, la plus consciencieuse, et la plus « pure ». Cette indépendance doit faire sérieusement partie de son idéal professionnel.

 

 

Ces trois ouvrages donc, sont fondamentaux, et je voudrais vous expliquer pourquoi.

L’autorité est le pouvoir juste, celui qui permet à l’humanité de progresser en humanité, en conscience, dans le respect de l’ordre cosmique, dont l’ordre établi en société se veut un reflet. Elle est ce pouvoir qui régule les passions et les pulsions humaines, qui aide chacun à progresser, grandir, dans un ordre qui autorise l'intime, la création, et aspire au progrès tant moral que spirituel de l'humanité, dans le respect des ancêtres.

 

La paranoïa est la pathologie la plus dangereuse à mon sens, par ses effets de contagion, ses effets de désubjectivation totale, son ambition impérialiste et globalisante. Elle est aujourd’hui prépondérante dans les pays occidentaux, et malheureusement, en France, comme système qui n’aspire, non pas à l’instrumentalisation de l’humain (comme cela serait le cas dans la perversion), mais à son éradication propre dans ce qui l’humanise (sa conscience, son imaginaire, ses émotions, dont son empathie et sa joie, sa spiritualité). La paranoïa annule toute reconnaissance envers les ancêtres, se croit autoengendrée et vise à la promulgation d'un "homme nouveau", tout puissant, niant la naissance et la mort, niant même la différence sexuée. Pire, elle nous impose son délire (dont son déni de réalité) comme étant la norme.

 

Le harcèlement est enfin le moyen utilisé par la paranoïa pour assoir son pouvoir, et vous savez que je me suis battue, ces dernières années, pour bien faire entendre que non, la pathologie maîtresse du harcèlement n’est pas la perversion, c’est bien la paranoïa. 

 

Le paranoïaque dirige, affine les stratégies, impose le mythe barbare de l’auto-engendrement, la négation du désir, de la mort, de l’intime, de l’autre. 

Il charge en revanche le pervers de bien exécuter son projet, dans sa dimension logistique, industrielle, financière et matérialiste.

 

Pour se libérer, individuellement et collectivement, il faut d’abord comprendre comment cela fonctionne. Dans ce triptyque, je vous livre tout ce que j’en ai compris, ce que j’en sais, pour que vous puissiez chacun, à votre niveau, entendre de quoi il en retourne, et quels sont les dangers imminents qu’encourt non seulement la France, mais l'Humanité toute entière, si nous laissons des systèmes de pouvoir abusif se maintenir et s’étendre sur la planète.

 

Un collectif auquel j’ai participé, coordonné par Eugénie Izard et Hélène Romano sortira également au début du mois d’avril : Danger en protection de l'enfance. Dénis et instrumentalisations perverses

 

 

Avec d’autres professionnels engagés et insoumis, qui nourrissent un idéal de leur profession, nous avons souhaité dénoncer les dérives graves dans lesquelles s’enlise la France, en matière de protection de l’enfance, pour le plus grand profit des réseaux pédocriminels et des abuseurs de toute espèce, et avec de fortes complicités institutionnelles. Il est temps que des voix s’élèvent pour révéler au peuple ce qui se passe dans les coulisses des enfances massacrées.

 

Ce collectif s’inscrit en regard de ce triptyque, car il vient démontrer ce qu’engendrent les dérives du pouvoir paranoïaque lorsqu’il devient un système oppressant, où il s’agit, ni plus ni moins, que de dévorer les enfants, avec la complicité du pouvoir pervers. Je vous engage donc aussi à vous procurer ce livre, dont j’espère qu’il servira à éveiller les consciences, malgré les salves de critiques que nous sommes préparés à recueillir de la part de ceux qui calomnient, qui diffament et ont tout intérêt à ce que rien ne se sache.

 

Une fois cette compréhension acquise, il est temps de penser à sa propre protection et à sa résistance. Je rappelle ici que résister n’est jamais « lutter contre », ce qui implique un gâchis d’énergie considérable, surtout lorsque la paranoïa est au pouvoir, quel qu'il soit d'ailleurs (famille, entreprise, Etat etc.) et donc, par conséquent, détient le pouvoir total, absolu, sans limites ni frontières morales. Autant dire que se battre dans ces conditions s’apparente plutôt au lièvre qui s’agite de toutes parts alors qu’il est pris dans le piège !

 

Résister c’est d’abord travailler à apaiser ses émotions d’impuissance et d’insécurité. Puis évacuer de sa vie, en s’élevant à d’autres dimensions temporelles, spatiales et spirituelles, toutes les pollutions qui s’y inscrivent. J’ai déjà écrit deux ouvrages dans ce sens (Se sentir en sécurité et Soyez solaire !). Cette résistance est politique au sens noble. 

Chacun est désormais en mesure de se responsabiliser en s’autorisant à créer sa propre réalité, telle qu’il la souhaite, telle qu’il la désire, telle qu’il la sait bonne pour lui et pour les autres.

Non, nous ne sommes pas impuissants. 

Entretenir ce sentiment d'impuissance est bien sûr le stratagème le plus efficace utilisé par le pouvoir qui souhaite nous voir impuissants.

 

Les stratèges militaires savent, le moment venu, mettre à leur poste tous les soldats entraînés, et chacun occupe une place dans la logique de destruction. Les œuvres de construction nécessitent aussi une stratégie, et elle est simple : que chacun travaille sur soi-même pour se libérer de ses chaînes, et enfin occuper la place dans laquelle il se sent juste, en harmonie et en paix. 

Il est grand temps de le faire, maintenant, et de ne plus se brider.

Ainsi, et seulement ainsi, les guerres et les entreprises chaotiques qui nous sont préparées seront réduites à néant, parce que lorsque l'un s'élève, cela sert d'exemple et d'aspiration à l'autre.

 

 

Avec ces trois ouvrages, je clos donc le cycle de compréhension des mécanismes qui asservissent et de la psychologie du pouvoir.

 

Mes prochains travaux seront consacrés à la libération personnelle et collective. 

Mais nul ne peut prétendre accéder à la moindre libération s’il n’a pas compris dans quel piège il est pris.

Je vais également me consacrer à de la littérature, tant pour adultes que pour enfants. La créativité, en particulier artistique et littéraire, est précisément ce que redoutent les pouvoirs totalitaires, qui aspirent à abraser toute initiative personnelle. Je désire donc moi-même incarner cette libération dont je parle, car que vaudrait ma parole si je n’expérimente pas et n’applique pas à moi-même les conseils que je peux prodiguer ?

 

Je vous remercie de votre soutien, je vous remercie aussi pour cette action commune que nous menons ensemble de prises de conscience, je remercie enfin chaque patient pour le merveilleux et émouvant travail que nous accomplissons, dans le respect profond de la conscience humaine.

 

Je vous souhaite une belle lecture.

 

Ariane Bilheran, normalienne, psychologue, docteure en psychopathologie et écrivain.